In this interview first posted by ZO’ mag, Christophe Sawadogo, who is part of the Gold Matters project team, explores how art can reflect the social world, bear witness to transformations under way, and catalyse new conversations…
Il arrive que la toile soit une rencontre. Au sens physique du mot, qu’elle mette dans le cadre, celui qui la peint et ceux qu’il peint, la terre qui les porte et l’air qu’ils respirent. Christophe Sawadogo explore l’intersection de ces regards. Sa représentation est à la fois un témoignage et une invitation à la parole. Elle ne s’arrête pas au captage d’une information, elle incite la population à dire aussi. A cet instant là, l’art est totalement contemporain, dans cet instant qui construit de la conscience, de la liberté, de la mémoire et des perspectives pour après. Rencontre.
On vient de voir des toiles réalisées au Mali et au nord du Burkina, des toiles sur la route. Tu peux nous expliquer ce rapport que tu as avec le déplacement ?
Pour partie, je dirai mes origines. Je suis du Nord du Burkina, une zone qui voit progresser le désert, où le climat et les saisons ont une incidence sur nos vies et le mouvement de la population. Mes parents ont dû migrer en Côte d’Ivoire voisine, « où l’herbe est plus verte ». Comme la plupart de mes camarades, je faisais chaque [jour] beaucoup de kilomètres. Cela resurgit dans mon travail. Et peut expliquer les bouts de papier que je dépose sur les routes dans mon quartier, sur les sentiers des mines. De la même façon, certaines parties du Nord sont affectées par le terrorisme et des milliers de personnes quittent leurs zones d’habitation. Et j’en fais le constat avec mes petits moyens d’artiste, avec la terre, mes crayons, l’encre et le carbone.
L’œuvre d’art doit rester un miroir social, le reflet, la géographie, l’histoire d’un monde qui l’a générée. Il n’a rien à voir avec (…) la pâle copie de l’Occident, avec ses codes dominants. Christophe Sawadogo
Ta création est très ancrée dans le social. Très en phase avec le quotidien des gens.
Je travaille souvent avec des groupes de personnes. Aujourd’hui, la sécheresse, la précarité touche des pans entiers de la société. Je ne tombe pas dans le moralisme ; mais je reviens souvent à la DUDH( Déclaration Universelle des droits de l’homme). Par exemple, avec les filles du Centre Bianchi Couture, nous avons réalisé des portraits, en croisant les récits de leur quotidien et des articles de la DUDH. L’exposition a été montrée à Ouagadougou et aux Pays Bas il y a deux ans.
On vient de voir également un travail également « communautaire », à propos de l’or…
A Guibaré (Nord Burkina) et au Ghana (Tarkwa, Kejetia, Takoradi) nous avons travaillé avec des femmes, des enfants, des miniers en association avec des professeurs, des étudiants de Gold Matters. Ensemble, on a monté des ateliers de création autour du développement durable. Nous avons fait une exposition dans ce village minier de Kejetja, l’an passé. Comment une communauté perçoit-elle l’activité ? Et comment elle va l’exprimer ?
Il y a des expériences artistiques dont tu te sens proches? Parenté d’émotion, de raison et de choix plastiques…
J’aime beaucoup les recherches des artistes du « Vohou Vohou », en Côte d’Ivoire dans les années 80 orientées vers l’intégration de l’objet local dans la construction de l’œuvre. Au Ghana, avec mon ami Nii Obodai, nous avons créé un musée africain dans ce village minier de Kejetia. Nous y avons exposé nos photos, notre peinture collective ( un mémorial), des objets divers issus de l’exploitation auriez comme les sacs, les casques, les vêtements usés le matériel à peser l’or… Oui, ce sont des pistes qui sont intéressantes, très émouvantes aussi. Ce sont des vies.
De travailler ensemble, avec des gens qui ne sont pas dans ce type d’expression, ça génère quel sentiment.
Personnellement une grande émotion. C’est beaucoup de choses, et une liberté nouvelle qu’ils prennent. Pour ma part, j’apprends beaucoup avec des personnes qui utilisent mes moyens d’expression pour la première fois, ils m’apprennent des choses inattendues sur la spontanéité….sur moi et ma façon de voir le monde ou de le rendre.
Tu travailles beaucoup sur cette proximité sociale. Comment l’art contemporain peut être perçu par les populations ? Finalement on a souvent l’impression avec les œuvres, assez hermétiques, que ça leur est un peu étranger…
J’ai la conviction qu’un art vous touche si vous y avez votre propre empreinte. Si on se reconnaît. Des acheteurs locaux sont concernés par nos créations et nous le font bien savoir. Maintenant quand je regarde les artistes, je pense à des gens comme Siriki Ky. Je suis allé le voir plusieurs fois dans son atelier. Sa vision d’initier un symposium de sculpture en pleine brousse à une quarantaine de km de Ouagadougou, m’a convaincu que l’art avait quelque chose à voir avec la main mais aussi avec le cœur. Son initiative a été traitée de folle au départ. Aujourd’hui elle est reconnue et saluée par tous. Des artistes du monde entier viennent se mesurer à cette roche du Sahel.
Pour ta part, l’art contemporain a des responsabilités?
En tous cas, il offre aux Africains des possibilités infinies d’ afficher leurs interrogations sociales, leurs inquiétudes existentielles. L’ engagement sociopolitique et artistique se traduit sur fond de crises identitaires, migratoires, de développement endogène. Mais il y a des raisons d’espérer, dans ce concernement. A mon sens, l’œuvre d’art doit rester un miroir social, le reflet, la géographie, l’histoire d’un monde qui l’a générée. Il n’a rien à voir avec la vision d’import-export matériel ou la pâle copie de l’Occident, avec ses codes dominants.